Le Padel, un sport de « richou » ?

La convivialité, maître mot du précédent article, est un élément important de la différenciation entre tennis (d’aujourd’hui) et padel. Il existe évidemment de nombreux endroits où le tennis reste une activité très conviviale mais globalement, il semble que la démocratisation a eu un effet néfaste sur cet aspect de la pratique ! Vous bondissez avec votre téléphone (en 2018, vous lisez cet article sur un écran 5’) devant cette affirmation : je m’explique !

La multiplication du nombre de courts, notamment dans les années 80 a eu pour effet, certes de rendre le tennis accessible à tous, mais aussi de faire perdre une partie de sa valeur et de ses valeurs. Le Golf connaît ce même type d’évolution aujourd’hui.

La question DES valeurs est donc de savoir comment il est possible de transformer une pratique élitiste offrant un véritable sentiment d’appartenance à une communauté à un loisir accessible à tous tout en recréant le phénomène de groupe.Longtemps celui-ci a fonctionné au tennis à travers la sous-catégorie compétition. Aujourd’hui, la demande évoluant, ce noyau se resserre et ne semble plus assurer son rôle. Le tennis est un sport individuel, les doubles et les matchs par équipe auraient pu assurer une partie de ce sentiment d’appartenance, ils sont trop souvent secondaires. La lumière viendra peut-être des TMC (Tournoi Multi Chances), formule de jeu concentrée sur un week-end, avec des formats de jeu plus rapides, permettant de recréer une vie de club house, d’avoir des spectateurs (les autres joueurs qui attendent pour jouer) d’avoir une inscription et donc une dynamique club. C’est finalement exactement le modèle des animations-tournois de padel !

Concernant LA valeur cette fois-ci, mon interrogation se porte sur l’évolution, rapide, du modèle économique de la pratique du padel. Si le tennis a été un sport de clubs urbains, avec de nombreux terrains en terre-battue, avec un volume d’adhérents important, un pouvoir d’achat des pratiquants non négligeable et donc avec un club house central dans l’organisation, il est aujourd’hui aussi un sport très développé en milieu rural, avec des installations à minima. Cette deuxième formule ne permet que rarement d’atteindre le seuil minimum de licenciés pour bénéficier d’un accueil humain et chaleureux dans le club. Finalement, vous donnez rendez-vous à votre partenaire/adversaire à l’heure de votre pratique. Vous jouez, et dès que vous avez terminez, vous rentrez chez vous, y compris pour vous douche. Si vous ne faites pas partie du groupe compétition, si vous ne vous investissez pas bénévolement, vous ne passez finalement au club que pour la durée de votre pratique.Le côté positif de cette évolution est évidemment la baisse significative de la tarification d’accès aux installations et donc l’ouverture au plus grand nombre. En dehors de la terre-battue et de quelques gros clubs des métropoles, la valeur d’accès aux installations tennis est maintenant extrêmement faible…voire nulle.

Il existe en effet de nombreux endroits où les terrains extérieurs en dur sont ouverts et accessibles à tous, sans être adhérents, sans être licenciés, comme pour un city stade. La conséquence est évidemment une transformation du modèle économique des clubs de tennis. Le padel, quant à lui, bien développé en France dans des structures commerciales voit son offre évoluer avec l’apparition d’équipements publics, gérés par des clubs de tennis associatifs. Les tarifs de location des pistes de padel varient déjà beaucoup entre les différents centres, en faisant de rapides recherches on trouve déjà des tarifs de 7 à 19€ les 90 minutes ou de 25 à 130€ d’abonnement mensuel. Tous les français ne peuvent se permettent de jouer régulièrement.

Vous aurez deviné mon questionnement : le padel va-t-il connaître la même évolution que le tennis ? Le seul accès à l’équipement, le terrain de padel, va-t-il perdre toute sa valeur économique avec le développement de l’offre du couple public-associatif ? Dans une logique fédérale classique, allons-nous transformer les membres d’un club, les adhérents, en licenciés et ensuite en simples pratiquants isolés ? Les structures commerciales de padel vont-elles devoir/pouvoir inventer une autre valeur économique au padel que le simple accès au terrain (animation, tournoi, école de padel…) ?

Le niveau des finances des collectivités territoriales et la baisse significative du budget sport de l’Etat peut aussi laisser penser que nous allons vers une commercialisation du sport en France. Seules les entreprises auront la capacité d’investir dans de nouveaux équipements pour de nouveaux sports. La conséquence serait évidemment une « anglo-saxonnisation » et donc un accès réservé non pas aux « richous », comme dans mon titre provocateur, mais aux seules personnes en capacité de payer le coût réel de la pratique sportive. A travers quelques subventions, des contrats aidés, la mise à disposition des équipements sportifs par la collectivité locale et avec le travail réalisé gratuitement par les bénévoles, la France a un modèle d’accessibilité au sport pour tous assez particulier et performant.

Le padel y entrera-t-il ? Et si oui est-ce une opportunité ou une menace pour son propre développement ?